samedi 18 septembre 2010

Rome Jour 4 - Les anges restent de marbre


Dernier jour, déjà ...

je n'ai pas eu le courage de poser ces lignes sur mon carnet. Je ne les livre qu'aujourd'hui, un mois plus tard. Ce matin , j'ai du mal à me lever. Je veux encore profiter au maximum de la ville, mais mon corps en a assez et s'accroche désespérément aux draps.

Je rassemble mes affaires en silence, pour ne pas réveiller le couple de brésiliens. Je traine des pieds. Le petit déjeuner est pris le cœur gros. Angus, en tenue de cuisto (c'est lui qui prépare les petits-déjeuners...) fume une cigarette dans le couloir et fait briller ses yeux une dernière fois.

Au revoir Angus, arrividecchi The Yellow, ce n'est pas un adieu, rendez-vous dans cinq ans !

Je laisse ma valise à la consigne et entreprend mon dernier pèlerinage, vers la Cité du Vatican. Je prends le métro où une foule de pieux visiteurs de toutes nationalités m'attend en nombre. On se croirait à Babel ... ou dans un souk ... ou non, dans un supermarché en période de soldes ... non je sais ! Comme dans la file d'attente d'un parc d'attraction ...

Les rames romaines sont modernes, propres, automatisées, bien éclairées, rassurantes. Ce qui n'empêche pas d'assister à l'étrange manège d'escadrons de bohémiennes : par formation de trois ou quatre petites jeunes-femmes au teint halé, les seules à porter de longues jupes à lourds pans, enfants en bandoulière, elles dissimulent leurs mains en scrutant d'un œil tout aussi agile les bagages des passagers comprimés les uns aux autres.



Tout ce beau monde s'arrête à la station Ottaviano "San Petro".

La voie est large, et on observe déjà les hauts murs de brique du Vatican. Malgré la foule, le calme règne. Comme si le vœu de silence était respecté par tous, même le vent. La file d'attente pour le musée du Vatican est monstrueuse, délirante ... cela se compte en kilomètres ... Je n'avais pas prévu d'y entrer de toute manière, ayant déjà gouté au privilège d'une visite mémorable il y a cinq ans. Je franchis la Porta Angelica et me retrouve Piazza San Pietro. C'est la colonnade qui retient le plus mon attention. Sachant la basilique inatteignable (là aussi une marée humaine s'y pressait) j'ai détourné mes yeux pour ne pas rendre plus grande encore ma frustration. Je ne reste pas très longtemps sur la place, visite une ou deux échoppes de souvenirs en me moquant bêtement des effigies du Pape sur les tasses ou autres bricoles.

San Pietro in Vaticano - 1506 - 1614

Je suis remontée, j'endève de passer à coté de ma visite ! Mais je n'en peux plus !! Mon éponge est engorgée, je ne peux plus rien absorber... Je tourne le dos à l'obélisque et me dirige vers le Tibre, par la Via della Concialiazione.

... un pont ....

Les sculptures seraient-elles du Bernin ? Non, elles sont sur le pont d'à coté.

Castel Sant'Angelo - IIe siècle ap J.C

Le Pont Saint Ange


Vue « carte postale » du Castel Sant'Angelo. Il serait bon que j'en saches un peu plus sur cet édifice (pourquoi a-t-il cette forme circulaire incongrue pour commencer ?). J'arrive sur le Pont Saint Ange, et là commence un sublime Calvaire :

De part et d'autre du Ponte Sant'Angelo, à un rythme régulier, s'élèvent des statues monumentales en marbre qui représentent les Anges portants les Arma Christi (instruments de la Passion). C'est donc un véritable chemin de croix que j'entreprends les yeux rivés au ciel (en effet les sculptures sont monumentales, il faut lever haut la tête pour les détailler).

* Ange au fouet de Lazzaro Morelli, avec l'inscription
«
je suis prêt au châtiment » (« in flagella paratus sum »)
*
Ange à la couronne d'épines, copie du Bernin par Paolo Naldini, avec l'inscription « dans mon angoisse, tandis que l'épine s'enfonce » (« in aerumna mea dum configitur spina »)
*
Ange portant le voile de Sainte Véronique de Cosimo Fancelli, avec l'inscription « regarde la face de ton Oint » (« respice faciem Christi tui »)
*
Ange portant un vêtement et des dés de Paolo Naldini, avec l'inscription
« i
ls tirent au sort ma tunique » (« super vestimentum meum miserunt sortem »)
*
Ange portant des clous de Girolamo Lucenti, avec l'inscription « ils tourneront les regards vers moi, celui qu'ils ont percé » (« aspicient ad me quem confixerunt »)
*
Ange à la croix d'Ercole Ferrata, avec l'inscription « l'insigne du pouvoir est sur son épaule » (« cujus principatus super humerum eius »)
*
Ange portant le titulus INRI, copie du Bernin et de son fils Paolo par Giulio Cartari, avec l'inscription « Dieu a régné par le bois [de la croix] » (« regnavit a ligno deus »)
*
Ange à l'éponge de vinaigre d'Antonio Giorgetti, avec l'inscription
«
ils m'abreuvent de vinaigre » (« potaverunt me aceto »)
*
Ange à la lance de Domenico Guidi, avec l'inscription
«
tu as blessé mon cœur » (« vulnerasti cor meum »)

(détail) Ange à la lance - Domenico Guidi

Les sculptures sont inégales, mais tout de même de grande qualité. Il me semble qu'elle ne sont pas toutes du Bernin (vérification faite, aucune d'entre-elle n'est de la main du maître, mais certaines sont des copies, et d'autres tirées de ses dessins préparatoires). Je m'arrête, extatique, devant l'ange portant la croix, l'ange à la lance, l'ange au titulus ... Ce dernier est extraordinaire ! Il rit ! Il est la Passion. La sculpture est imposante, mais les traits et les drapés sont amples, mouvants, vivants, malgré l'épaisseur de la pierre. Le blanc du marbre est exalté par le contraste du ciel d'un bleu jamais vu. C'est de toute beauté ! Et aveuglant. Je perds une nouvelle fois le nord.

Je fais demi-tour et entre à nouveau dans le quartier Navona.

Je traine, je n'ai plus envie de savoir ce qu'il a de remarquable autour de moi, je manque délibérément de hauts lieux touristiques, car de toute manière je ne pourrais tout voir de Rome, alors un de moins dans la liste passera inaperçu.

Boudeuse, j'avance tout de même sur la Piazza Navona, observant plutôt les dessinateurs ambulant et les musiciens que les glorieuses fontaines du Bernin.

Vous m'emmerdez à être trop beaux, trop blancs, marre des hauteurs, je suis fatiguée d'avoir le vertige ...


(détail) Fontaine de Nepture, de Gregorio Zappalà e Antonio Della Bitta - Piazza Navona

samedi 4 septembre 2010

Rome Jour 3 - Au delà du Tibre

13h - RDV en face de l'ambassade de France, Palazzo Farnèse


Je fonce droit au cœur de la ville, traversant à toute allure la Piazza di Spagna surbondée, prenant à peine le temps de faire quelques photos.

Ma jupe est décidément trop légère, je montre mes sous-vêtements à qui le veut !

Ouf ! Je n'ai qu'un quart d'heure de retard. J'ai eu peur de ne pas reconnaître mon indic'. Angus est ravi, rasé de près.

Il me montre son quartier, me montre du doigt, depuis la rue, les plafonds des salles du Palais Farnèse qui ne sont jamais ouvertes au public. Nous arpentons les petites ruelles ombragées qu'il aime. Il me fait rentrer dans la cour du Palazzo Spada, où se trouve un trompe-l'œil étonnant : au travers des baies vitrées d'un salon-bibliothèque rempli de vieux livres, d'un riche fauteuil de cuir usé, et d'un planisphère extraordinaire, une perspective s'ouvre sur une colonnade voutée menant, au fond, à une sculpture antique. C'est l'œuvre de l'architecte baroque Borromini, à qui on doit maintes merveilles à Rome et ailleurs (la Chapelle de Sainte Agnès pour ne citer qu'elle). Ce trompe-l'œil est étonnant. On croirait que la galerie longue d'une trentaine de mètres, alors qu'elle n'en fait que 8, et la sculpture monumentale, alors qu'elle ne mesure que 60 cm. Il faut le voir pour le croire.



Il me propose une balade dans le quartier de Trastevere, littéralement "de l'autre coté du Tibre" : ça tombe bien j'avais prévu d'y faire un tour. Je ne me souviens plus tellement de nos sujets de conversation. Au restaurant (mmmmh les pasta au pesto, la brushetta et le vino bianco !), on parle jeux videos, de ses petits boulots, de ma garde-robe. Il m'avoue qu'il a eu des problèmes de boisson, et que désormais il fait très attention. « We all have a story ». Je n'ai pas cherché à creuser plus loin, ne pouvant assumer un rôle d'accoucheuse. Je reste silencieuse. Il me demande à quoi je pense. Je réponds « boulot », « argent », « ventre », « cœur ». Je lui retourne la question. Laconique, il répond « rien », en m'expliquant, avec cette jolie image du crâne à tiroirs, qu'un homme, contrairement aux femmes, peut effectivement ne penser ... à rien. C'est une case qu'eux seuls savent remplir (ou laisser vide).

Mon ami a de la tristesse dans les yeux. De la douceur aussi. Cela fait 2 ans qu'il est à Rome. Il ne se mélange pas trop. A connu quelques aventures mais ne reste jamais avec ces italiennes qu'il juge trop nerveuses, envahissantes, hystériques. Il ne reviendra pas chez lui (petit bled d'Ecosse), du moins pas pour le moment. Il partira d'ici quand son heure aura sonné, et ne s'avoue pas encore avoir besoin de fonder une famille. Il est comme le vent. Trop gentleman pour m'inviter chez lui, il le regrettera plus tard, puis oubliera.

Une jolie promenade donc ... Je ne suis pas aussi attentive aux murs que lors de mes déambulations solitaires. Ici ils sont encore plus chauds qu'ailleurs : terre de sienne, ocres, lierre et vignes se partagent tranquillement les façades. Les pavés sont silencieux, la vie est en suspend.


UNE ÉNORME GLACE !


J'ai eu les yeux plus gros que le ventre. Angus me regarde, amusé.

Il me raccompagne jusqu'au Capitole. Je ne suis pas à la bonne échelle. Après avoir côtoyé la simplicité pittoresque de Trastevere, l'orgueil de ce monument blanc m'écœure, m'incommode. Je monte tout de même en haut de la « Machine à Écrire »


Senatus Populusque Romanus - le Sénat et le Peuple Romain ... et moi et moi et moi

SPQR ? Qu'est-ce ça veut dire ? Sur les plaques d'égout comme sur les monuments, ces quatre lettres sont gravées, autoritaires, fières. Je trouve dans la basilique toute proche, Santa Maria d'Aracoeli, un refuge idéal, céleste. A noter : le plafond à caissons incroyable de dorures et de complexités ornementales, les tombes usées par les pieds des pèlerins, badauds, curieux, et l'ouverture, oculus de lumière encadré par deux anges, à l'entrée.


Je marche sur des tombes...

Je voulais fouler d'autres décombres mais, à la vue du Forum, ce qui me restait de motivation est balayé comme feuille au vent. Je me contenterais de le voir de haut. Je rentre par la Via Nationale, épuisée.

Sieste de 18h à 20h.

20h - Happy Hour et un suédois "plus fun d'une purée de poix"

Angus n'est pas encore parti à son match de foot. Je prends un premier verre de vin au Yellow Bar, et j'entame le compte-rendu de ma journée, attablée à l'intérieur. Je gribouille pendant trois-quarts d'heure, sirotant quelques verres avant la fin de l'happy hour.

Un gaillard à ma droite griffone aussi. Il semble très concentré. Il hésite longtemps avant de poser sur le papier ses impressions. Il écrit un carnet de voyage lui aussi. Sa calligraphie est étonnante « pour un homme » (ça ne veut rien dire j'en conviens). Ses lignes sont très espacées, son encre très diluée. Il ose me demander une cigarette. Je partage avec lui ma dernière tige.

Il s'appelle Kristaps, on le surnomme Michka (comme le petit ours russe de mon livre d'enfant), pour faire plus simple. Ce type ressemble à une star américaine : cheveux longs, immense silhouette body-buildée, petite tête, yeux bleus, mâchoire carrée, mains immenses ... Il aurait pu me plaire, si j'avais eu le temps de passer outre le caricatural de son physique imposant. Il vient de Stockholm, est en transit à Rome. Il revient de Croatie. C'est un globe-trotteur, ingénieur en réseau je ne sais quoi ... Et il me parle musique, voyage, paysages ... Je suis ravie de cette rencontre inopinée.. C'est un garçon très riche, très enthousiaste, vif, et plein d'humour. Quand je lui demande ce qu'il fait pour s'amuser chez lui, il me réponds par une question : "que penses-tu d'une purée de poix ? " .... Je réponds : "c'est épais, lourd, nourrissant, simple, mou, pas très élaboré, raffiné...". Il tonne "c'est exactement à cela que ressemble à Suédois ! ça a le même goût !". Nous entamons une sortie non loin de la gare, échangeant sur Bach, Beethoven, Schumann, Rachmaninov, Tchaikovsky, Wagner ... Je m'amuse beaucoup. On rentre sagement quelques heures plus tard à l'auberge, fumons encore quelques cigarettes soutirées à deux bruyantes et fades américaines. On se quitte bientôt, en échangeant rapidement nos coordonnées.

Je m'apprète, sereine, à passer ma dernière nuit romaine. Je ne suis pas encore triste...

Rome Jour 3 - Le Passage - Nedko Solakov à la Galleria Borghese


NEDKO SOLAKOV
The Passage
(a commissioned art work's story)




Deux tableaux, représentant un puits de lumière sur un fond noir uniforme, sont disposés l'un en face de l'autre, au centre de chaque petit pavillon. A priori rien de fabuleux. Sujet éculé, banal, une « installation » de plus à ajouter au grand cortège du « n'importe quoi » conceptuel de notre époque. Une plus petite toile est placée contre chaque chevalet. On y voit ... un talkie-walkie... Non franchement ça ne donne pas envie de s'approcher. Ah ? un vrai talkie walkie est posé sur l'estrade, comme oublié par un vigile ... On aurait presque pu y croire ... Sur l'autre petit châssis, une toile avec des caractères gribouillés, imbéciles ...


J'allais sortir, dépitée, quand, prise de regrets, je me force à lire les propos de l'artiste (ici) ,le pourquoi de l'installation.C'est une commande. L'artiste vient de perdre son père, mais décide de tout de même répondre à l'institution. Aussi bien qu'il le pourra.

La lumière blanche. Celle qui, dit-on, arrive à votre mort. Soit. L'artiste est conscient de la banalité de l'image. Il va détourner ce poncif et la gravité du propos, en habitant son installation de petits apartés, de petites parenthèses, de légers commentaires drolatiques, tout droit tirés du langage parlé, presque « texto ». Cela ressemble aux gribouillis qu'on fait sur ses copies de classe, pour dire combien la leçon est « chiante », combien de le pull de la voisine est « nase », combien on est obsédé par « Kevin » dont on grave le nom 100 fois sur la marge de ses devoirs ... Des « bons mots », des « rien du tout » qui font sourire, qui disent ce qui est tût, ce qui trotte dans la tête, les obsessions, les peurs, les lassitudes, les envies. Des mots écrits dans tous les sens, sans grammaire, sans règles, des dessins, des bonshommes, tout un langage qui, en somme, trompe ici la mort.

Après les trompe-l'œil, les trompe la mort ... Tout se tient !

It's a cancer !
Hello ...

HELP ...

I'm not that important

I'm not part of the subject

(ou d'autres symboles approchant)

Dénicher les indices laissés par l'artiste m'amusera beaucoup : je joue autour des chevalets, cherchant où il a pu planquer un petit bonhomme, un gribouillis, une phrase cryptée, un trait d'humour. D'autres amateurs jouent avec moi.

Je repars, guillerette, heureuse d'avoir fait cette nouvelle expérience, et d'avoir interagis avec une œuvre. Heureuse d'avoir pris le temps aussi ...

Plus de photos ici
Website de l'artiste ici
Site du musée > Expo The Passage ici

Rome Jour 3 - Vertiges à la Villa Borghèse



C'est elle que j'espérais si fort depuis 5 ans ! Je la rêvais, j'adulais, j'embellissais toujours. Je n'ai craint aucune déception, et après l'avoir arpentée une seconde fois, je lui voue à présent un amour éternel.

Le bâtiment, d'un blanc immaculé, ébloui fortement, réfléchissant les feux d'un soleil ardent. Une petite troupe d'amateurs se presse déjà devant les portes, tranquille au dehors, tendue au dedans.

Enfin les portes s'ouvrent !

BERNINI, Gian Lorenzo - Apollon et Daphné (1622-25) marbre de Carrare - ht 243 cm

Je me rue vers mes amants maudis. Même émotion. Toujours ce frisson, moins fort que la première fois : ce n'est plus en pucelle que j'assiste à l'acte. La perfection des lignes, la légèreté de la pierre, ce caractère intouchable qui sied si bien à la scène, rend mes amants lointains. Ils sont l'incarnation du divin, il ne peuvent être atteints, surtout par celle qui sait quels supplices attendent les impies coupables d'húbris.

Mes entrailles réclament pourtant plus d'audace, plus d'extase, du charnel. Je ne tarderais pas à croiser la routes d'autres charmes ... Assouvie, je retourne dans la première pièce.

1ere salle : je n'avais pas remarqué la grande qualité des mosaïques, et des plafonds peints. D'imposantes sculptures de gladiateurs et de faunes provocateurs animent les pans de murs.

2nd salle : un Dionysos de Caravage « sombrissime », presque verdâtre, des plafonds peints très réalistes, sur le thème du cortège de Bacchus, envahis par des faunes facétieux.

3e salle : thème égyptien, rien de notable.

4e salle : Enée du Bernin, une ÉNORME Vérité, des putti mignonets.

5e salle : sur le thème d'Hermaphrodite. RAS

6e salle : la grande galerie, et un coup de foudre (programmé) :

BERNINI, Gian Lorenzo
L'enlèvement de Proserpine (1621-22) marbre de Carrare - ht 255 cm


L'enlèvement de Proserpine, du Bernin

Voilà du charnel ! La sculpture est transcendantale, alchimique. Un travail de maître ! J'aurai tant aimé voir le sculpteur à l'œuvre. Je tourne, tourne, tourne autour du couple. Pluton, contrairement à la parfaite impassibilité d'Apollon, est rigolard. Bien campé sur ses deux jambes, il rit de la fuite désespérée de sa captive. Elle en fait un cinéma ! Sa lutte est aussi délicate que ses chairs sont blanches. Les corps tournoient. C'est envoutant, presque excitant. Je suis seule au monde, rien d'autre ne saurait retenir mon attention.

BERNINI, Gian Lorenzo - L'enlèvement de Proserpine (1621-22) marbre de Carrare - détail

7e salle : je reviens vers Apollon, pour jouir d'un dernier frisson.

8e salle : David du Bernin, et un autre du Caravage. Il y a trop de monde. Un buste au marbre ambré, moucheté, boudé par le public, attire mon regard.

9e et dernière salle : Eugénie de Canova. Je l'ai trouvée belle un jour. Aujourd'hui, elle semble particulièrement laide.

BERNINI, Gian Lorenzo - David (1623-24) - marbre de Carrare, ht 170 cm

Surprise ! Il y avait donc un étage ? Je ne l'avais pas vu lors de ma première visite, aveuglée par ma divine rencontre.

Au premier étage donc, j'irais de merveilles en merveilles !

Dans la grande galerie, quelques auto-portraits du Bernin (je tremble sans comprendre pourquoi, il FAUT que j'en sache plus sur ce génie). Au détour d'une salle, je réalise à quel point j'avais raté ma première visite :

Psyché et l'Amour de Zucchi, un tableau qui m'a longtemps captivé (il apparaissait dans l'Encyclopedie de ma mère, je n'avais de cesse de l'étudier amoureusement). Des Rubens (moches comme tout, mais ... c'est Rubens), De Hooch, un petit Carrache très sensuel et ...




TITEN - L'Amour Sacré et l'Amour Profane (1514) - Huile sur toile - 118 x 279 cm

Le TITIEN ! Là, devant moi, de dressent l'Amour Sacré et l'Amour Profane. Comment ne pas succomber ? Je suis tétanisée. Je reste en contemplation pendant dix bonnes minutes. Je suis arrachée de mon extase par un bête commentaire émis par un XXXX d'ignare ... Je me ressaisis : l'art est universel, démocratique ... Ce tableau ne m'appartient pas, toutes les sensibilités y ont accès, il n'est pas le privilège de quelques initiés ou quelques fanatiques (comme je le suis à cet instant).

Je quitte Le Titien pour aller à la rencontre d'autres joyaux.

Botticelli ! Raphael ! Bartolomeo, de belles Vierges à l'Enfant au sfumato imparfait, un joli portrait au fond bleu azur, et autre plus ancien au fond doré.

Dernière salle, l'apothéose : Corrège et Cranach réunis ! C'en est trop ! Je manque d'air ! J'ai le cœur qui bat trop fort, je suis à deux doigts de m'évanouir.

CORREGGIO (~ 1490 - 1534) - Danaë (1530) - huile sur toile - 158 x 189 cm

Ces femmes, ces jambes laiteuses, ces blonds vénitiens incandescents, ces chevelures ruisselantes, ces moues aguicheuses, est-ce bien là le portrait d'une déesse, d'une madone ? Et on me demande de me couvrir dans leur églises ? Quelle hypocrisie !

J'ai la tête qui tourne. Dans ma frénésie, je traverse une nouvelle fois tous les salons parcourus, au pas de course, pour saluer une dernière fois les œuvres, et les graver à jamais dans ma mémoire.

Je redescends, et trouve un petit jardin idéal pour calmer mon trouble. Au bout de l'allée, sise dans une belle volière aux fresques partiellement conservées, une exposition contemporaine m'attend. L'artiste se nomme Nedko Solakov (il faudra que je le suive). Trouvez le commentaire de l'expo ici.

Allez ! J'ai rendez-vous à 13h au Palais Farnèse avec Angus, je ne voudrais pas être en retard. Je fais un dernier tour de piste au rez-de-chaussée, et je quitte à nouveau le Palais.

(photo des œuvres tirées du site Web Gallery of Art)