samedi 4 septembre 2010

Rome Jour 3 - Au delà du Tibre

13h - RDV en face de l'ambassade de France, Palazzo Farnèse


Je fonce droit au cœur de la ville, traversant à toute allure la Piazza di Spagna surbondée, prenant à peine le temps de faire quelques photos.

Ma jupe est décidément trop légère, je montre mes sous-vêtements à qui le veut !

Ouf ! Je n'ai qu'un quart d'heure de retard. J'ai eu peur de ne pas reconnaître mon indic'. Angus est ravi, rasé de près.

Il me montre son quartier, me montre du doigt, depuis la rue, les plafonds des salles du Palais Farnèse qui ne sont jamais ouvertes au public. Nous arpentons les petites ruelles ombragées qu'il aime. Il me fait rentrer dans la cour du Palazzo Spada, où se trouve un trompe-l'œil étonnant : au travers des baies vitrées d'un salon-bibliothèque rempli de vieux livres, d'un riche fauteuil de cuir usé, et d'un planisphère extraordinaire, une perspective s'ouvre sur une colonnade voutée menant, au fond, à une sculpture antique. C'est l'œuvre de l'architecte baroque Borromini, à qui on doit maintes merveilles à Rome et ailleurs (la Chapelle de Sainte Agnès pour ne citer qu'elle). Ce trompe-l'œil est étonnant. On croirait que la galerie longue d'une trentaine de mètres, alors qu'elle n'en fait que 8, et la sculpture monumentale, alors qu'elle ne mesure que 60 cm. Il faut le voir pour le croire.



Il me propose une balade dans le quartier de Trastevere, littéralement "de l'autre coté du Tibre" : ça tombe bien j'avais prévu d'y faire un tour. Je ne me souviens plus tellement de nos sujets de conversation. Au restaurant (mmmmh les pasta au pesto, la brushetta et le vino bianco !), on parle jeux videos, de ses petits boulots, de ma garde-robe. Il m'avoue qu'il a eu des problèmes de boisson, et que désormais il fait très attention. « We all have a story ». Je n'ai pas cherché à creuser plus loin, ne pouvant assumer un rôle d'accoucheuse. Je reste silencieuse. Il me demande à quoi je pense. Je réponds « boulot », « argent », « ventre », « cœur ». Je lui retourne la question. Laconique, il répond « rien », en m'expliquant, avec cette jolie image du crâne à tiroirs, qu'un homme, contrairement aux femmes, peut effectivement ne penser ... à rien. C'est une case qu'eux seuls savent remplir (ou laisser vide).

Mon ami a de la tristesse dans les yeux. De la douceur aussi. Cela fait 2 ans qu'il est à Rome. Il ne se mélange pas trop. A connu quelques aventures mais ne reste jamais avec ces italiennes qu'il juge trop nerveuses, envahissantes, hystériques. Il ne reviendra pas chez lui (petit bled d'Ecosse), du moins pas pour le moment. Il partira d'ici quand son heure aura sonné, et ne s'avoue pas encore avoir besoin de fonder une famille. Il est comme le vent. Trop gentleman pour m'inviter chez lui, il le regrettera plus tard, puis oubliera.

Une jolie promenade donc ... Je ne suis pas aussi attentive aux murs que lors de mes déambulations solitaires. Ici ils sont encore plus chauds qu'ailleurs : terre de sienne, ocres, lierre et vignes se partagent tranquillement les façades. Les pavés sont silencieux, la vie est en suspend.


UNE ÉNORME GLACE !


J'ai eu les yeux plus gros que le ventre. Angus me regarde, amusé.

Il me raccompagne jusqu'au Capitole. Je ne suis pas à la bonne échelle. Après avoir côtoyé la simplicité pittoresque de Trastevere, l'orgueil de ce monument blanc m'écœure, m'incommode. Je monte tout de même en haut de la « Machine à Écrire »


Senatus Populusque Romanus - le Sénat et le Peuple Romain ... et moi et moi et moi

SPQR ? Qu'est-ce ça veut dire ? Sur les plaques d'égout comme sur les monuments, ces quatre lettres sont gravées, autoritaires, fières. Je trouve dans la basilique toute proche, Santa Maria d'Aracoeli, un refuge idéal, céleste. A noter : le plafond à caissons incroyable de dorures et de complexités ornementales, les tombes usées par les pieds des pèlerins, badauds, curieux, et l'ouverture, oculus de lumière encadré par deux anges, à l'entrée.


Je marche sur des tombes...

Je voulais fouler d'autres décombres mais, à la vue du Forum, ce qui me restait de motivation est balayé comme feuille au vent. Je me contenterais de le voir de haut. Je rentre par la Via Nationale, épuisée.

Sieste de 18h à 20h.

20h - Happy Hour et un suédois "plus fun d'une purée de poix"

Angus n'est pas encore parti à son match de foot. Je prends un premier verre de vin au Yellow Bar, et j'entame le compte-rendu de ma journée, attablée à l'intérieur. Je gribouille pendant trois-quarts d'heure, sirotant quelques verres avant la fin de l'happy hour.

Un gaillard à ma droite griffone aussi. Il semble très concentré. Il hésite longtemps avant de poser sur le papier ses impressions. Il écrit un carnet de voyage lui aussi. Sa calligraphie est étonnante « pour un homme » (ça ne veut rien dire j'en conviens). Ses lignes sont très espacées, son encre très diluée. Il ose me demander une cigarette. Je partage avec lui ma dernière tige.

Il s'appelle Kristaps, on le surnomme Michka (comme le petit ours russe de mon livre d'enfant), pour faire plus simple. Ce type ressemble à une star américaine : cheveux longs, immense silhouette body-buildée, petite tête, yeux bleus, mâchoire carrée, mains immenses ... Il aurait pu me plaire, si j'avais eu le temps de passer outre le caricatural de son physique imposant. Il vient de Stockholm, est en transit à Rome. Il revient de Croatie. C'est un globe-trotteur, ingénieur en réseau je ne sais quoi ... Et il me parle musique, voyage, paysages ... Je suis ravie de cette rencontre inopinée.. C'est un garçon très riche, très enthousiaste, vif, et plein d'humour. Quand je lui demande ce qu'il fait pour s'amuser chez lui, il me réponds par une question : "que penses-tu d'une purée de poix ? " .... Je réponds : "c'est épais, lourd, nourrissant, simple, mou, pas très élaboré, raffiné...". Il tonne "c'est exactement à cela que ressemble à Suédois ! ça a le même goût !". Nous entamons une sortie non loin de la gare, échangeant sur Bach, Beethoven, Schumann, Rachmaninov, Tchaikovsky, Wagner ... Je m'amuse beaucoup. On rentre sagement quelques heures plus tard à l'auberge, fumons encore quelques cigarettes soutirées à deux bruyantes et fades américaines. On se quitte bientôt, en échangeant rapidement nos coordonnées.

Je m'apprète, sereine, à passer ma dernière nuit romaine. Je ne suis pas encore triste...

1 commentaire:

  1. eh ho, Michka, c'est mon enfance aussi, pis celle de la génération d'avant... euh je crois que c'est sorti vers 1941-43....

    RépondreSupprimer