C'est elle que j'espérais si fort depuis 5 ans ! Je la rêvais, j'adulais, j'embellissais toujours. Je n'ai craint aucune déception, et après l'avoir arpentée une seconde fois, je lui voue à présent un amour éternel.
Le bâtiment, d'un blanc immaculé, ébloui fortement, réfléchissant les feux d'un soleil ardent. Une petite troupe d'amateurs se presse déjà devant les portes, tranquille au dehors, tendue au dedans.
Enfin les portes s'ouvrent !
Je me rue vers mes amants maudis. Même émotion. Toujours ce frisson, moins fort que la première fois : ce n'est plus en pucelle que j'assiste à l'acte. La perfection des lignes, la légèreté de la pierre, ce caractère intouchable qui sied si bien à la scène, rend mes amants lointains. Ils sont l'incarnation du divin, il ne peuvent être atteints, surtout par celle qui sait quels supplices attendent les impies coupables d'húbris.
Mes entrailles réclament pourtant plus d'audace, plus d'extase, du charnel. Je ne tarderais pas à croiser la routes d'autres charmes ... Assouvie, je retourne dans la première pièce.
1ere salle : je n'avais pas remarqué la grande qualité des mosaïques, et des plafonds peints. D'imposantes sculptures de gladiateurs et de faunes provocateurs animent les pans de murs.
2nd salle : un Dionysos de Caravage « sombrissime », presque verdâtre, des plafonds peints très réalistes, sur le thème du cortège de Bacchus, envahis par des faunes facétieux.
3e salle : thème égyptien, rien de notable.
4e salle : Enée du Bernin, une ÉNORME Vérité, des putti mignonets.
5e salle : sur le thème d'Hermaphrodite. RAS
6e salle : la grande galerie, et un coup de foudre (programmé) :
L'enlèvement de Proserpine, du Bernin
Voilà du charnel ! La sculpture est transcendantale, alchimique. Un travail de maître ! J'aurai tant aimé voir le sculpteur à l'œuvre. Je tourne, tourne, tourne autour du couple. Pluton, contrairement à la parfaite impassibilité d'Apollon, est rigolard. Bien campé sur ses deux jambes, il rit de la fuite désespérée de sa captive. Elle en fait un cinéma ! Sa lutte est aussi délicate que ses chairs sont blanches. Les corps tournoient. C'est envoutant, presque excitant. Je suis seule au monde, rien d'autre ne saurait retenir mon attention.
7e salle : je reviens vers Apollon, pour jouir d'un dernier frisson.
8e salle : David du Bernin, et un autre du Caravage. Il y a trop de monde. Un buste au marbre ambré, moucheté, boudé par le public, attire mon regard.
9e et dernière salle : Eugénie de Canova. Je l'ai trouvée belle un jour. Aujourd'hui, elle semble particulièrement laide.
Surprise ! Il y avait donc un étage ? Je ne l'avais pas vu lors de ma première visite, aveuglée par ma divine rencontre.
Au premier étage donc, j'irais de merveilles en merveilles !
Dans la grande galerie, quelques auto-portraits du Bernin (je tremble sans comprendre pourquoi, il FAUT que j'en sache plus sur ce génie). Au détour d'une salle, je réalise à quel point j'avais raté ma première visite :
Psyché et l'Amour de Zucchi, un tableau qui m'a longtemps captivé (il apparaissait dans l'Encyclopedie de ma mère, je n'avais de cesse de l'étudier amoureusement). Des Rubens (moches comme tout, mais ... c'est Rubens), De Hooch, un petit Carrache très sensuel et ...
TITEN - L'Amour Sacré et l'Amour Profane (1514) - Huile sur toile - 118 x 279 cm
Le TITIEN ! Là, devant moi, de dressent l'Amour Sacré et l'Amour Profane. Comment ne pas succomber ? Je suis tétanisée. Je reste en contemplation pendant dix bonnes minutes. Je suis arrachée de mon extase par un bête commentaire émis par un XXXX d'ignare ... Je me ressaisis : l'art est universel, démocratique ... Ce tableau ne m'appartient pas, toutes les sensibilités y ont accès, il n'est pas le privilège de quelques initiés ou quelques fanatiques (comme je le suis à cet instant).
Je quitte Le Titien pour aller à la rencontre d'autres joyaux.
Botticelli ! Raphael ! Bartolomeo, de belles Vierges à l'Enfant au sfumato imparfait, un joli portrait au fond bleu azur, et autre plus ancien au fond doré.
Dernière salle, l'apothéose : Corrège et Cranach réunis ! C'en est trop ! Je manque d'air ! J'ai le cœur qui bat trop fort, je suis à deux doigts de m'évanouir.
Ces femmes, ces jambes laiteuses, ces blonds vénitiens incandescents, ces chevelures ruisselantes, ces moues aguicheuses, est-ce bien là le portrait d'une déesse, d'une madone ? Et on me demande de me couvrir dans leur églises ? Quelle hypocrisie !
J'ai la tête qui tourne. Dans ma frénésie, je traverse une nouvelle fois tous les salons parcourus, au pas de course, pour saluer une dernière fois les œuvres, et les graver à jamais dans ma mémoire.
Je redescends, et trouve un petit jardin idéal pour calmer mon trouble. Au bout de l'allée, sise dans une belle volière aux fresques partiellement conservées, une exposition contemporaine m'attend. L'artiste se nomme Nedko Solakov (il faudra que je le suive). Trouvez le commentaire de l'expo ici.
Allez ! J'ai rendez-vous à 13h au Palais Farnèse avec Angus, je ne voudrais pas être en retard. Je fais un dernier tour de piste au rez-de-chaussée, et je quitte à nouveau le Palais.
(photo des œuvres tirées du site Web Gallery of Art)
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