SAGRADA FAMILIA (1) - Portail de la Passion
Vite ! Un truc à se mettre dans
le ventre ! Nous croisons à nouveau ce duo de voyageurs un peu perdus, qui, quel hasard, séjournent dans la même auberge que nous !
Nous ne nous en soucions pas plus et partons en
quête d'un breuvage chaud et d'un siège où choir.
De part et d'autre de l'avenue (Passeig de Gracia)
s'élèvent deux énormes réverbères, que je qualifie volontiers de
potences par leur aspect imposant, métallique, presque agressif .
Ces structures sont l’œuvre de l'architecte Pere
Falqués i Urpí, qui habilla tout Barcelone de
ses créations singulières au début du XXe siècle.
P'tit déj avalé (serveuse pas très
aimable, mais clientes certainement pas mieux lunées), nous
reprenons le metro (linea 2) direction … la basilique de la Sagrada Familia.
Premier coup de poing rétinien !
On la connaît bien cette vue aérienne du monument en construction,
avec ses flèches qui n'en finissent pas, cet aspect boueux, cette couleur
terre, l'enduit grumeleux, les reliefs grouillants, figures
indéfinissables, le farfelu, le pharaonique de l'entreprise qui ne connait de fin, la démesure, l'ubris …
Tout cela se vérifie et se dépasse en
un battement de cils ! Nous sommes sorties du côté du portail principal, l'entrée supposée du
monument. Or la basilique est ouverte au public sur son flanc gauche.
Ne comprenant pas tout de suite comment accéder au ventre de la
bête, nous allons et venons bêtement devant les grilles fermées,
puis enfin nous nous décidons de demander de l'aide à un très joli
gardien (aka Miguel). Toutes ragaillardies par ce genre de sourire
qui suffit au bonheur de toute femme, nous contournons
l'étrange construction, en apprécions les dimensions, les
matériaux, la folie.
La file d'attente ne sera pas bien
longue. L'entrée est chère (13€). Mais ça en valait mille fois
la peine.
Le porche du transept gauche (façade
de la Passion) est très différent de celui l'entrée principale
(façade de la Nativité). Il ressemble fortement aux trépieds d'un
vaisseau spatial qui aurait fait halte là. Des échos de Moebius ou
Miyazaki... Agnès, tu sombres dans l'anachronisme ! Je mets de côté ses associations antichroniques et regarde ce que j'ai devant moi avec un seul mot à la bouche : tranchant ! De grandes arêtes obliques font office de colonnes et
se fichent droit dans le sol. Les sculptures sont brutes : pas
de naturalisme, les visages sont carrés, les silhouettes
grossièrement découpées, les angles droits et polis. Tout est
aigu. Rien n'est rond, diligent. La lumière ne glisse pas sur ces formes : ça sera noir ou blanc, lumière ou obscurité. Ce matin là, la façade est particulièrement blanche, presque aveuglante.
Les figures des soldats attirent mon attention. Cagoulés, rigides, il fichent la frousse. Un particulièrement, sur son cheval, massif, imposant, pétrifiant. Je remarque un peu partout des symboles, qui seront expliqués plus tard dans le musée au sous-sol. On sent qu'il y a un message codé, qui va au-delà des vertus théologiques de l'ensemble.
Dernier haussement de sourcil avant d'entrer dans l'édifice : un Christ à la colonne, en guise de trumeau ; idée incongrue et géniale !