Commençons par le voyage le plus récent :
la Suisse (4 - 6 juin 2010)Je n'étais jamais allée en Suisse.
Enfin ... Si ... je me suis amusée à passer la frontière "imaginaire" entre les deux pays il y a bien longtemps, avec mon petit frère, pendant nos vacances au Jura.
La Suisse ... Les Helvètes ...Nous avons tous de grands clichés à propos de ce peuple : neutralité, lenteur, banques, chocolat et vaches mauves paissant mollement dans un paysage montagnard de carte postal
e.
Je me suis confrontée à ces clichés.
J'en ai conforté certains, et balayés d'autres.
VENDREDI 4 juin18h - Gare de Lyon - ParisLa voiture est spacieuse, les passagers détendus. Nous sommes les seules à bavarder, brisant la quiétude de ce trajet de 4h. Nous nous tairons bientôt.
Les paysages défilent : la banlieue puis des plaines cultivées bien connues, soporifiques à souhait. Arrivées à la frontière, l'horizon change, s'élève et se verdi. Les pins sombres nous jaugent, les reliefs surgissent presque trop brutalement, et la rassurante trace de l'homme se raréfie...
Le train s'enfonce dans des cols étroits, on suffoque un peu. Quelques gares désertes annoncent bientôt la fin du parcours.
Ouf. Je n'en pouvait plus !
L'hypnotisante contemplation des vues filant à toute vitesse ne m'apportait plus aucun plaisir et me procurait, insidieusement, une désespérante nausée.
22h -
Lausanne, la nuitJe connaissais cette gare. J'avais porté là-bas des toiles de l'artiste Syrien
Sabhan Adam, lors d'un périple "express" de 24h. Je reconnais le café où j'ai attendu la
galeriste.
Nous trouvons sans trop de difficultés notre auberge de jeunesse. Elle est incroyablement confortable, et, vu de l'extérieur, le bâtiment ressemble fort à un hôtel particulier cossu. Nous nous félicitons de ce choix, et gagnons notre chambre. Nous la partagerons avec un pèlerin, venu de
Belgique pour rejoindre Saint Jacques de
Compostelle. Nous l'avons réveillé et nous nous en excusons. "
Cela ne fait rien mesdemoiselles, mais sachez que demain je partirai aux aurores." Je n'oublie pas de lui demander de prier pour nous...
Nous gravissons la rue pavée qui relie la gare au
centre-ville, et nous émerveillons devant tant de quiétude, devant les arches de la place centrale, où se tient une performance plus ou moins artistique. Des (très) jeunes partout. Une atmosphère tiède, presque pesante. Nous retournons sur nos pas, et retrouvons une taverne dont l'enseigne avait attiré notre attention à l'aller. Quatre
krieks plus tard, nous allons nous coucher.
SAMEDI 5 JUIN 9h - Lausanne, le jourJe me réveille assez tôt, l'ami
pèlerin m'ayant, malgré sa plus grande discrétion, réveillée à son départ. Le soleil se lève incroyablement tôt ici ... Nos ablutions faites,
Alix et moi décidons de petit-déjeuner devant le Lac
Leman. Ce sera un échec, le lac étant bien trop loin (nos cartes sont trompeuses). Mais nous gagnons au change : en cherchant à se rapprocher de l'eau, nous tombons sur une brocante de quartier, sise dans un parc, où bientôt un flux de badauds nonchalants se déverse, aimablement. Nous sommes ravies, nous y passerons presque deux heures.
12h - Centre ville de LausanneAprès cette matinée aux allures de Kermesse, nous décidons d'apprivoiser la ville un tantinet. J'avais sur moi l'or que maman m'a confié. A l'entrée de la rue pavée,
Alix s'écrie "
Regarde Agnès, une boutique de change, là devant toi!". En effet, trop attirée par des panneaux municipaux annonçant des concerts de
Rachmaninov, je n'avais pas vu l'enseigne de cette boutique.
Nous y entrons.
Le marchand est jeune, typé, beau ... et manchot. Il nous met à l'aise, pèse mes trésors, et commence son office. Je suis émerveillée! j'ai l'impression de me tenir en face d'un alchimiste. Un quart "d'or" passe, et me voilà avec 600
Fr Suisse en poche ! Je jubile comme une gamine ! Je vais pouvoir inviter
Alix à manger quelque part
(et surtout payer mes meubles
IKEA).
Je ne retiens rien de particulier du tour que nous avons fait de la ville. Nous sommes montées, montées, montées ... Vers une cathédrale aux blanches sculptures très réalistes. Tout ce quartier "médiéval" était désert. On note des enseignes très travaillées à tous les coins de rue. On sent surtout que le temps est en suspend. Nous redescendons par d'antiques escaliers, et trouvons une brasserie où se sustenter. Une
flammekuche, une pinte, et nous voilà prêtes à partir pour
Vevey.
15h - Direction VeveyGare de Lausanne, direction Vevey, là où nous attend notre château. Nous n'avons aucun problème pour trouver la bonne voie, le bon quai... C'en est presque désespèrent, et absolument pas dépaysant ...Se perdre, voilà le début de tout voyage !La navette nous permet de découvrir un paysage époustouflant :
finis les ruminants pétrifiés, les montagnes lugubres ; le Lac s'offre à nous dans toute sa splendeur, dans toutes ses nuances de bleus se mariant à la perfection avec le massif alpin, majestueux.
Nous sommes Alix et moi ébahies. Nous nous esclaffons sans retenue, allant et venant du siège à la vitre, de la vitre à nos appareils photos, comme s'il fallait garder trace de ce spectacle improbable.C'est Beau.Nous arrivons au bout de 20 minutes à la Gare de Vevey, trainant nos lourds sacs de voyages, moi juchée sur des talons fort mal adaptés à la situation. C'est qu'il nous fallait être aussi brillantes que possible pour faire notre entrée magistrale dans ce palace. C'est le prix à payer pour être princesse d'un soir.17h - L'Hôtel du Grand Lac (plus d'infos sur l'hôtel
ici)
Nous arrivons par la porte principale, entrée dont la superbe est entachée par quelques travaux, ce qui ruine quelque peu nos princières prétentions. Mais notre chambre est encore plus coquette que sur les brochures commerciales, et la vue est encore plus belle que dans nos rêves. C'est l'Olympe nous fait face ! Et son miroir Léman ne fait qu'exacerber sa beauté. Alix s'empresse de redescendre faire quelques clichés, ce qui me laisse le temps de goûter au plaisir d'un bain relaxant.Nous passons ensuite deux bonnes heures à la piscine.
Objectif : détente !
Je regarde évoluer une petite famille, seule compagnie que nous aurons alors : Monsieur doit être Syrien, ou Libanais, fume un cigare de circonstance, pendant que Madame se languit en maillot de bain blanc, un cocktail à la main. Leurs enfants s'ébattent joyeusement, comme deux gosses en vacances, spectacle réjouissant qu'on retrouve sans nul doute partout ailleurs, peu importe les peignoirs changés tous les matins, ou le garçon venant demander s'ils souhaitent quelque-chose à boire...Nous sommes rafraîchies, reposées, ramollies ... Il est temps de se secouer un peu et d'arpenter les jolies rues de ce "bourg-bourgeois".Vevey est désert. Désespérément désert. Non pas que le calme ne m'aille pas, mais ces rues vides, ces vitrines de luxes closes, ces deux enfants jouant au badminton dans une rue piétonne faite pour être bondée, tout cela transforme cette pimpante bourgade en ville fantôme.Nous arrivons à une place, presque aussi inhabitée, et nous dirigeons vers la gare. Nous nous pointons enfin vers le Lac, pour retrouver cette auguste muraille de nuages qui nous a tant émue il y a quelques heures.20h - Le Pique-nique trop parfaitNous nous dirigeons vers le sud, et là nous découvrons avec stupeur où s'étaient tous réfugiés les veveysiens : une grande pelouse se révèle à nous, peuplées d'une concentration incroyable de familles venues piqueniquer. Tous très bien équipées, ils dînent en sourdine, en groupe de 4 à 10 gourmets, des familles, des groupes d'amis, tous plus policés les uns que les autres. C'est à peine si un groupe de jeunes garçons, concentrés sur une mâle compétition de plongeon en eaux froides, transperce ce calme déconcertant.C'est ainsi bercées qu'Alix et moi déambulons sur la promenade qui longe le Lac.
Le soleil se couche.
La lumière rasante fait ressortir tous les reliefs et contrastes de la barrière alpine.Là encore, je reste sans voix.Je parlerai dans un autre post de Vevey et l'incroyable cohabitation de l'art et la ville qui s'y joue.Nous retrouvons une place précédemment croisée, bordée par une plage factice du plus mauvais effet. Personne ne semble se soucier du grotesque de la scène (parfaite antinomie entre la montagne sacrée et son public d'adorateurs paresseux en bermuda). Nous choisissons un restaurant "italien", commandons une "grande" assiette d'anti-pasti (qui n'aura de grand que son prix), pour moi une assiette de fromage, et Alix ... je ne m'en souviens plus.... Le serveur nous divertira d'une petit farce dont je fais ici l'économie.Nous décidons de rentrer à l'hôtel, une bouteille de rouge sous le bras. Nous montons à notre balcon, pour fumer quelques dernières cigarettes et trinquer à cette ravissante journée. Je m'endors alors qu'Alix échange quelques heureuses grossièretés avec ses soeurs au téléphone. Cette dernière note fraternelle suffit à combler entièrement cette riche donc épuisante journée.